top of page

Je suis un paragraphe. Cliquez ici pour ajouter votre propre texte et me modifier. C'est facile.

Feyzin

Préservation d’une mémoire du végétal à travers l’écomusée du Mas des Races

Par Laëtita Jaga et Hamidou Hamid-Ibrahim

Partie I: Profil de la ville

La ville de Feyzin, qui se trouve au sud de Lyon, est une des villes du site de la vallée de la Chimie, une zone industrielle spécialisée dans la production de produits chimiques. Il s’agit d’une commune d’un peu moins de 10 000 habitants appelés Feyzinois et Feyzinoise. Il s’agit, à l’instar des communes voisines Saint Fons et Solaize, d’une ville avec une pression immobilière forte. C’est ainsi que nous pouvons remarquer que le nord de la ville, le quartier de la Bégude, possède une densité de population plus importante que le reste de la ville avec la présence d’immeubles d’habitation déjà présents ou en construction.

Le reste de la ville a conservé un aspect rural, avec la présence de nombreux espaces verts et sentiers de randonnée.

Ainsi, le fort de Feyzin, situé au fond d’un parc où divers équipements sportifs sont installés, abrite en son sein un centre d’équitation et un petit parc où se trouvent des poules et des chèvres ; de plus il est décoré de diverses plantes décoratives.

L’hôtel de ville lui-même est situé le long d’un parc, où la présence d’arbres empêche la vue de la zone industrielle toute proche, de plus plusieurs maisons des environs ont dans leur cour des arbres à kaki.

Tous les dimanches, un petit marché regroupant 6 vendeurs, dont un vendeur de fruits et légumes ayant le statut de producteur, a lieu au sud de la ville dans le quartier des Razes. Le producteur de fruits et légumes est le fils de Pierre Bailly, agriculteur à la retraite qui a fondé un écomusée au sein de la ferme familiale.

 

Profil de Pierre Bailly et du musée

​

Pierre Bailly est le petit-fils des premiers membres de la famille Bailly à avoir habité dans la ferme, d’abord locataires, puis propriétaires en 1900. Vivant avec son fils célibataire, il craint pour l’avenir de sa ferme, ainsi nous a-t-il dit en interview d’un air malicieux mais tout de même inquiet : « après, ça va devenir un musée ».

​

Pierre Bailly a été conseiller municipal à deux reprises, cela lui a permis de se battre pour ses idéaux, en particulier la préservation des terres agricoles. C’est ainsi qu’il a pu s’opposer à des projets d’urbanisme qui avaient comme objectif de monter le nombre d’habitants à 70 000.

​

Au travers de son écomusée, avec la conservation d’objets et d’images gardant la mémoire d’un Feyzin pré et post industriel, Pierre Bailly peut être considéré comme un entrepreneur local de patrimoine.

​

Ce musée semble être comme le prolongement d’un engagement de toute une vie au service du monde agricole. Cela fait une trentaine d’années qu’il collectionne tout une série d’objets permettant de retracer l’Histoire de Feyzin des origines à maintenant avec un accent mis sur la période s'étendant de la fin du XIXème siècle au début du XXème siècle.

​

Il a ainsi récupéré des plans de la ville et plusieurs dizaines de cartes postales anciennes, certaines données par le voisinage, qu’il a fait agrandir pour ensuite les repeindre. Il a également récupéré divers objets permettant de retracer l’historique des technologies agricoles, allant de la fourche aux tracteurs qu’utilise toujours son fils. Il expose également une réplique de tour de potier reproduite par lui-même ainsi que des poteries et des blocs d’argile venant de l’atelier de poterie qui occupait les lieux au XIXème siècle.

Partie II : Préservation d’une mémoire de Feyzin à travers l’écomusée :

Des témoins des transformations paysagères et végétales de la région

Ce qui est intéressant avec l’écomusée de Pierre Bailly, ce n’est pas juste les objets et les histoires qu’ils racontent, mais surtout, leur mise en patrimoine : le processus de patrimonialisation qui est en jeu ici et les usages sociaux qu’elles génèrent et qui en sont à l’origine. Ce processus fait appel à la mémoire, ici en particulier la mémoire de Pierre Bailly à travers les objets mais aussi à travers la manière dont il organise ces objets dans l’espace les uns par rapport aux autres. La mise en scène de ces objets et de ces souvenirs, peut être vue comme la trame d’une histoire racontée du point de vue d’une personne qui prend en charge et raconte l’Histoire d’une collectivité. L’Histoire de Feyzin, de sa transformation, de la ferme des Razes et l’histoire familiale des Bailly sont ici entremêlées.​

​

Le végétal possède une place très importante dans cette histoire, comme une trame de fond qui touche en partie grand nombre des histoires que raconte Pierre Bailly dans l’écomusée. Le végétal est ici aussi objet de patrimoine. L’histoire de cette famille de producteurs, nous parle non seulement d’un métier dont les pratiques appartiennent aujourd’hui au passé mais aussi de pratiques et d’un rapport au végétal qui appartiennent au passé : histoire familiale et végétale ne sont pas séparables.​

​

Dans la salle principale de l’écomusée, mais aussi dans la cour de la ferme, on trouve des objets qui retracent une histoire des outils de travail de la terre, comme des objets de labour, lorsque ces gestes étaient encore effectués à la main, avec souvent des photos ou des dessins qui montrent ces outils utilisés tel qu’autrefois. Sur les murs on retrouve des arbres généalogiques de la famille Bailly, des anciens propriétaires de la ferme avant même qu’elle ne devienne une ferme mais aussi une liste des producteurs et agriculteurs de la région à différentes époques. On observe sur ces arbres généalogiques une longue histoire de l’agriculture de la région qui autrefois était une affaire de famille. Ces grandes familles d’agriculteurs se transmettaient leurs terrains, leurs pratiques du métier et surtout une tradition familiale. La liste des agriculteurs ayant diminué drastiquement, pour n’en laisser aujourd’hui que deux au niveau de la ville de Feyzin, nous raconte l’histoire de la disparition d’un grand nombre de ces familles de la région et avec eux les métiers et les terrains ou du moins leurs usages agricoles, et en somme la pratique du végétal et le rapport des habitants de la ville au végétal et à la terre.​

​

Nous retrouvons également sur les murs des photographies des grands terrains de Feyzin à différentes époques, montrant l’évolution de la ville. Nous observons sur ces photographies la transition d’un paysage, la disparition et la transformation de vastes terrains agricoles, mais aussi les transitions sociales politiques et économiques, qui les accompagnent. La raffinerie est construite, ainsi que des habitations, des terrains agricoles sont vendus, de longues lignées d’agriculteurs de la région disparaissent.​

​

Une photo attire particulièrement notre attention, celle de Pierre Bailly, jeune, dans la marie de Feyzin. Il a été élu municipal durant cette période de grande transition dans les années 1970. Il a participé par sa fonction d’élu à un combat pour la conservation des terrains agricoles et contre les constructions massives qui étaient à venir lors de ses deux mandats. Pierre nous confie, qu’à cette époque soixante-dix mille habitants étaient prévus pour la ville de Feyzin, et constatant que le nombre d’habitants n’a pas dépassé les dix mille, il se félicite aujourd’hui de son combat.​

​

Le patrimoine construit dans cet écomusée renvoie à plusieurs enjeux propres au processus de patrimonialisation : la construction d’une identité culturelle, la lecture de l’Histoire de cette région au travers d’histoires personnelles, celle de Pierre Bailly en particulier, pour lequel le plus important doit être de laisser une trace de son passage et de son impact sur cette région. Dans cette construction d’une identité culturelle le végétal est éminemment présent, parce qu’il est central dans le discours d’un autrefois également réimaginé et mis en récit ; Il est aussi dans ce cas un objet de revendication politique et un refus de changement. Le végétal est le témoin visible des transformations que cette région a subies et dont l’écomusée se veut le témoin.

bottom of page