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Saint-Fons

Saint-Fons : 

entre culture végétale et urbanisme croissant.

Par Valentin Pignon et Camille Laviron

Saint-Fons, petite ville d'environ dix-huit mille habitants en périphérie de Lyon, n'est à première vue pas la zone la plus intéressante du point de vue d'une étude sur le végétal. Sorte d'extension de la zone industrielle de Vénissieux, la commune apparaît comme étant très urbaine et très enclavée au sein de la vallée de la Chimie. C'est du moins ce que nous avons ressenti lorsque, pour la toute première fois, nous nous sommes rendus dans cette banlieue du sud de Lyon. Barres d'immeubles, sol bétonné, magasins, parkings mais surtout de multiples usines semblent en effet composer en majeure partie le paysage très urbain de la ville. Passé l'étonnement et la première impression, commencèrent les premiers terrains et explorations de la zone. Qu'en était-il réellement de cet espace a priori très urbanisé ? Nos premières impressions allaient-elles être fondées et se confirmer par la suite ? N'y avait-il vraiment pas de place pour le végétal dans cette commune, ou bien n'est-ce qu'une impression ?

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Nous nous sommes interrogés sur ce qu'il serait possible de mettre en lumière là où il semblait y avoir peu de ressources concernant cette commune. En effet, les villes de Feyzin et Solaize (autres terrains d’enquête) offraient à nos camarades bien plus de matière en terme de végétal, et cette matière apparaissait comme étant bien plus visible au premier abord.

Notre enquête s'est déroulée en trois temps que l'on peut synthétiser par une première étape de découverte à partir des ressources en ligne, puis par une visite de la commune sans itinéraire pré-déterminé mais avec quelques lieux clés à observer et finalement d'une prise de contact toujours à partir de ce qui était en ligne avec des habitants, acteurs et fonctionnaires de la ville pour saisir leurs initiatives et activités.

Notre première visite, sorte de repérage général des lieux, nous permit cependant de constater que le végétal, malgré son absence supposée, était tout de même bien présent dans la ville de Saint-Fons. Par la suite, nous nous sommes concentrés sur un des points principaux de culture du végétal de la ville, les jardins partagés du Midi, qui ont grandement contribué à faire progresser notre enquête. Nous avons enfin voulu aborder notre terrain et notre thématique d'un point de vue plus administratif et s'inscrivant davantage dans l'histoire de la ville, en nous penchant sur les archives de la mairie.

Nous conclurons cet article par un rapide retour réflexif et analytique sur nos travaux.

Un premier contact avec la commune

Comme nous l'avons vu précédemment, Saint-Fons nous est tout d'abord apparu comme une ville extrêmement urbanisée, n'offrant que de rares îlots d'aires vertes. Les transformations récentes de la partie sud de la commune permettent de saisir l'évolution de cette urbanisation, deuxième thématique clé de cette enquête.


 

Les premiers espaces verts que nous avons rencontrés sur notre chemin furent les jardins du Midi, ceux-là même qui allaient nous servir plus tard de base pour notre enquête situés à la limite avec la commune de Feyzin, au sud-est de Saint-Fons . Entièrement clôturés et grillagés tout le long de leurs limites, nous avions ce jour-là seulement pu prendre quelques photos, à plusieurs mètres de distance, de ce qui nous semblait être des parcelles entretenues et cultivées. Nous en étions restés là dans un premier temps, et c'est par la suite et à force de recherches que nous avons pu identifier quels étaient ces jardins, à qui ils appartenaient et à quelles fins ils servaient.

D'autres espaces végétaux, publics ou privés, parsèment de part et d'autre la ville de Saint-Fons.

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Nous avons ainsi parcouru le grand parc de la ville, le parc Victor Basch, sans trouver de plantes, arbres, fruits, légumes ou fleurs qui aient particulièrement retenu notre attention. Ces formes que prend le végétal paraissaient à ce moment de notre étude être les seules pertinentes . En revanche, nous avons pu admirer depuis son point culminant toute l'étendue de la vallée de la Chimie et avons ainsi pu prendre un certain nombre de photos, qui ont servi par la suite à illustrer nos comptes-rendus de terrain ainsi que nos travaux finaux. Nous avons appris par la suite que ce parc se situait, de même que l'autoroute visible en contrebas, dans une zone classée Seveso (c'est à dire haut risque d'accidents majeurs d'ordre industriel), alors même que de nombreuses installations destinées aux sportifs, aux enfants ou bien tout simplement aux promeneurs, y avaient pourtant été installées.

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Cela nous a interrogé d'un point de vue anthropologique, sur le ressenti des habitants vis à vis de la dangerosité et du taux de pollution de la zone dans laquelle ils vivent au quotidien. Nous avons remarqué que tout était fait, notamment en termes d'installation et d'aménagement urbain, afin que la zone où sont implantées les usines soit la plus discrète et la moins visible possible. En effet, les maisons ont été construites de sorte à ce qu'elles tournent le dos à la vallée de la Chimie, les jardins privés ont également suivi cette logique, et de nombreux buissons végétaux ou murets sont installés tout le long du parc notamment afin de masquer les usines et autres bâtiments en contrebas.

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Ainsi, tant les habitants que les décisionnaires de la ville ont-ils pris le parti de faire de Saint-Fons une ville « normale », qui ne semble pas accorder une importance particulière à sa situation. En dépit de sa localisation aux abords même d'une zone classée Seveso ? Ou bien cela n'est il qu'une sorte de masque, afin que la vallée de la chimie, malgré son imposante présence, ne perturbe pas davantage le quotidien des habitants par la vision de ces usines et les adaptations que ces dernières imposent ?


 

De même que le parc, d'autres espaces publics abritent eux aussi des espaces verts. Mais souvent, et comme ce fut le cas pour le parc Victor Basch, ces espaces s'apparentent plus à des étendues d'herbe (décoratives comme des sortes de rond-point ou bien transformées en lieux utiles comme c'est le cas pour le parc) qu'à des éléments réellement exploitables dans le cadre de notre étude. C'est lors de la visite du premier décembre en compagnie de l'encadrement professoral et de nos partenaires qu'un autre regard s'est posé sur cet espace. Non loin des aires tondues et des arbres bien taillés se trouvent derrière une clôture des ronces et une végétation envahissante. C'est dans ces lieux relativement masqué par les murets qu'un espace non entretenu devient parfois un « dépotoir » et où les objets en tout genre s'amoncellent. Ces lieux délaissés, sans entretien, et aggravé par un manque de respect sont pourtant propices à une plus grande diversité végétale et par extension animale.


 

Nous avions également visité des jardins situés un peu plus loin, au pied d'immeubles au cœur du centre-ville. Ces jardins étaient le produit de l'initiative de l'association Espace Créateur de Solidarité. Dans la continuité de ceux du Midi, ces jardins semblaient également être des jardins partagés privés et semblaient servir aux habitants des immeubles au pied desquels ils se situaient.

Lors de ces enquêtes préliminaires, nous avons également découvert l'association "Espace Créateur de Solidarité" et l'épicerie solidaire "Casaline" qui y est rattachée. C'est l'origine des produits vendus par cette épicerie qu'il nous avait paru intéressant de questionner. On aurait pu remonter la chaîne de production en partant du produit fini. Toutefois la volonté initiale de vendre une partie des productions locales des jardins, gérés par l'association, dans cette épicerie était pourtant rendue impossible par les réglementations en vigueur.

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Nous sommes entrés en contact avec eux afin de déterminer si ils avaient des jardins au sein de la ville ainsi que leur rapport aux végétaux de manière globale. C'est lors d'une discussion dans les bureaux de l'association avec le jardinier que certains éléments sont apparus plus clairement. Il avait connaissance du CRBA et malgré les questions assez générales il nous a présenté ce qui était fait dans les jardins comme ayant peu d'intérêt par rapport à l'idée qu'il avait des recherches du CRBA. En effet, les pratiques proposées étaient très élémentaires et il s'agissait d'une initiation concernant le travail de la terre et la découverte du jardinage. De plus les parcelles que nous avions vues étaient de petite taille. Cela renseignait sur l'utilisation en tant que complément alimentaire très léger que ces jardins fournissaient aux foyers. Cette piste a alors été mise de côté, voyant une impasse par rapport à l'idée initiale faite de notre part sur les utilisations de la terre associées à celle d'une expertise pouvant renseigner sur une diversité végétale à révéler. C'est plus tard que la réalisation de l'intérêt de ces pratiques fut révélé mais le choix de placer la focale sur les jardins du Midi a confirmé sa place secondaire dans notre enquête. On notera que l'initiative de cette association renforce de manière significative une volonté de « faire commune » autour d'un réapprentissage de certaines pratiques et d'un rapport à l'environnement raisonné. Cette démarche s'inscrivait dans un désir de valoriser les réseaux courts et d'agir comme un vecteur d'un mouvement pour promouvoir une consommation et un usage des plantes conscients des enjeux de santé et écologiques.

Enfin, nous avons également constaté que la ville, loin de n'être composée que d'immeubles et de bâtiments urbains, était pourvue de toute une partie d'installations très pavillonnaires avec de nombreuses maisons dotées de jardins, dont la plupart étaient entretenus et servaient à cultiver fruits, fleurs et légumes. Nous avons malheureusement du délaisser cet aspect de la ville par la difficulté d'accéder à des propriétés privées et leurs habitants, les jardins du Midi ayant par la suite occupé tout nos efforts en terme de recherche.

 

Ce qui  avait paru initialement comme un problème, et que nous avions partagé à notre professeur tuteur, Mr Olivier Givre, ainsi qu'aux membres du CRBA, était devenu une nouvelle manière d'aborder le terrain. Ce qui n'était pas visible l'était-il par sa disparition (champs et parcelles agricoles) ou bien est-ce que les dernières résistances étaient-elles renforcées par ce combat inégal mené par les projets immobiliers au profit de ces espaces verts entretenus ou en friche. En effet, il peut y avoir enquête même là où il n'y a pas de végétal, car ces espaces non-verts ou non-cultivés ont toujours à nous apprendre quelque chose, ne serait-ce que le rapport des habitants à leur commune et au végétal de manière plus générale. On nous a également conseillé, dans le cas où nos études seraient vraiment trop infructueuses du point de vue du végétal, de nous concentrer davantage sur l'urbanisme et le développement d'infrastructures au sein de la ville, qui a également beaucoup à nous apprendre sur le végétal mais par un tout autre biais.

Les Jardins du Midi

Par la suite, nous avons surtout axé nos travaux sur les jardins du Midi, et ce pour plusieurs raisons : des raisons techniques d'une part, puisque les jardins du Midi étaient facilement accessibles et le responsable très disponible et sympathique, mais également pour des raisons qualitatives, puisque ces jardins partagés, recouvrant une surface large de 25.000m² nous offraient assez de matière et de travail pour l'ensemble de notre enquête.

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Nous avons abordé ces jardins sous plusieurs aspects : en temps qu'anthropologues en formation, nous nous sommes tout d'abord interrogés sur le rapport hommes-végétaux observable en ces lieux, ainsi que sur la population qui était à même de vouloir investir ces jardins et de les cultiver. Nous nous sommes ainsi renseignés, dans la continuité de nos travaux avec le CRBA, sur les origines des jardiniers de cet espace, sur leurs pratiques, sur les plantes qu'ils cultivaient ainsi que sur leur utilisation. Le circuit humain créé par une activité de jardinage met alors en exergue un partage des produits au sein de la communauté : la famille d'abord, mais également des voisins à qui peuvent profiter les excédents. L'influence de leurs origines (sociales et géographiques) dans leurs choix de culture ou de leurs manières de faire fût très enrichissante. La dimension de plusieurs cultures en cohabitation était particulièrement mise en avant par le responsable des jardins du Midi, peut être renforcée par la mention de l'anthropologie, dans la présentation des membres possédant une parcelle. On pouvait voir les jardins des personnes d'origine cambodgienne séparés de manière très carrée avec de longues et fines planches de bois pour délimiter des espaces pour chaque espèce. La plus notable et observable à la période de nos visites étaient celle de choux recouverts par des tissus blancs. Un des jardiniers qui nous a accordé un entretien était d'origine portugaise et avait obtenu sa parcelle en 1996. Il cultivait, comme les deux responsables de chaque partie des jardins (Nord et Sud), les « légumes traditionnels » qu'on retrouve en France : navet, poivron, salade, oignon, carotte, petit poids. A la question des espèces qu'il cultivait en relation avec ses origines il mettait l'accent sur les pommes de terre, les tomates et le chou.

 

Tout ce qui est planté n'a pas pour finalité d'être mangé et les fleurs sont là pour offrir une touche esthétique. Les roses, œillets, tulipes viennent ajouter des couleurs et des odeurs dont l'intérêt n'est pas partagé par tous les jardiniers. Ce qui est donné à voir des jardins se trouve aussi dans la liberté de chacun d'organiser sa parcelle en veillant à ne pas donner une apparence trop délaissée. Les tôles, parfois portes, utilisées pour maintenir des terrasses ou agir comme barrière mettent en péril une perception positive de ces espaces. Le responsable avec qui nous nous sommes entretenus mettait en garde les risques d'un dérive des jardins en tant que dépôts disgracieux et pouvant légitimer la reprise de contrôle de ces espaces, actuellement sous la direction des communes, pour y implanter de nouvelles constructions.


 

La pluridisciplinarité, avec comme principale discipline ici l'ethnobotanique a donc remarquablement bien fonctionné. Certains renseignements ont réellement été au cœur de nos deux disciplines, botanique appliquée et anthropologie, là où d'autres étaient plus spécifiques à l'une de nos deux matières. Ainsi, nous nous sommes également intéressés à l'âge moyen ainsi qu'aux profils des jardiniers (quelle tranche d'âge et catégories de la population) présents sur les parcelles, ou bien encore sur les liens de parenté sur les parcelles (partages, héritage) ou sur la gestion collective des jardins ainsi que sur les conflits éventuels, ce qui relève davantage de l'anthropologie voire de la sociologie, mais nous avons également travaillé sur des éléments d'ordre botanique avec par exemple les noms et variétés des espèces cultivées. On peut ajouter les informations qui relèvent plus de la géographie et de l'urbanisme en s'intéressant au territoire et son histoire, aux transformations visibles et en cours et celles passées qui font l'identité de Saint-Fons.

En revanche, la manière dont celles-ci étaient cultivées, ou bien les raisons pour lesquelles ces plantes étaient choisies puis entretenues (il y avait des raisons d'ordre esthétique pour les fleurs, des recettes spécifiques pour les légumes qui relevaient d'ailleurs également de la région dont étaient originaires les jardiniers, ou bien encore des plantes médicinales) étaient en revanche, comme la plupart des renseignements obtenus, à la croisée entre plusieurs discipline

Le département des archives de la Mairie

Enfin, dans le but d'approfondir nos recherches sur le végétal et l'urbanisme au sein de la ville et ce d'un point de vue plus administratif, nous avons contacté la mairie de Saint-Fons et plus précisément la section des archives.

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Nous nous sommes donc rendus une première fois à la mairie et avons notamment rencontré l'archiviste, avec laquelle nous avons convenu d'un nouveau rendez-vous afin de pouvoir consulter les archives de la ville. 

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A notre retour, celle-ci avait déjà avancé le travail en nous fournissant deux cartons d'archives de la ville en terme de végétaux (récoltes de blé, vignes, implantation de marchés, bilan des maraîchers, etc.) ainsi qu'en termes d'urbanisme (implantation d'usines, de bâtiments, etc.).

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De nombreux documents nous ont également été remis par la même personne, notamment des plans de la ville retraçant son évolution urbaine, des photographies aériennes recouvrant une période de 60 ans des années 1950 jusqu'aux années 2010, et d'autres éléments bibliographiques également exploitables (se référer au blog section Saint-Fons>Archives ou section Saint-Fons>Visites de terrain). 

Ces éléments nous ont permis d'inscrire notre recherche dans le temps. En effet, jusque-là, nous n'avions fait que constater l'état actuel de la ville de Saint-Fons, et ce uniquement du point de vue de l'observateur, c'est à dire au fil de nos terrains et par le biais des informations publiques révélées sur internet. Avec l'aide des archives, nous avons pu avoir une vision plus large de la ville et récolter davantage d'informations qui nous ont permis de mettre nos recherches en perspective et de les appréhender à travers une vision plus globale du sujet.

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Grâce à ces documents, nous avons appris un certain nombre de choses et avons également pu approfondir nos recherches en les axant davantage sur la deuxième thématique de notre étude, c'est à dire les transformations et le développement urbain. En effet, l'évolution du végétal est en lien direct et étroit avec la transformation de l'urbain et son évolution, l'un s'étendant généralement au désavantage de l'autre. Nous avons donc pu aborder l'enquête sous ses deux aspects, la rendant ainsi la plus complète possible.

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