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Solaize

La question du patrimoine végétal à Solaize:

Par Marius Bedrossian

Comme beaucoup de communes de la Vallée de la Chimie, Solaize a subi une forte croissance démographique durant les cinquante dernières années, sa population ayant ainsi triplé. Actuellement il y a un peu moins de trois milles habitants à Solaize, qui passe de statut de village à celui de ville. Au niveau géologique on se trouve sur le passage d'un ancien glacier, ce qui rend la terre très fertile, soit appropriée pour l'agriculture, malgré la présence de nombreuses roches.

Un foncier témoin des transformations locales

Comme nous montre la toponymie des rues, les lieux étaient souvent caractérisés par leurs fonctions. On observe des activités différentes de celles que l’on connait actuellement. Par exemple, on a la côte de chanvre, par laquelle on descendait le chanvre au Rhône; la rue du machuret, où l'on remontait les morceaux du chanvre ayant pourri dans le Rhône; la rue de l'abricotine (l'abricotine étant un alcool à base d'abricot qui était fabriqué à Solaize.); la blancherie, où, pour les faire blanchir, étaient étendus au soleil les tissus de lin.

Cette toponymie, qui d'après Marie-Claude remonterait jusqu'au moyen-âge, témoigne des activités passées du village, et donc des cultures antérieures présentes sur la commune.

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Ces différentes cultures et pratiques ont disparu pour diverses raisons. Le chanvre étant produit dans des conditions insalubres, le taux de malades était particulièrement important, et c’est cela qui a entraîné la fin de la production. Le vin issu des vignes avait, paraît-il, mauvais goût, c’est donc assez naturellement que l’exploitation viticole cessa. Quant aux vergers, essentiellement des poiriers et des abricotiers, leur disparition, selon les habitants, est due à des maladies dévastatrices. A ces raisons précises et particulières, d‘autres peuvent être apportées, telles que l’exigence en main d’oeuvre de la production de fruits, pouvant inciter à la reconversion vers d’autres activités nécessitant moins de monde; ou encore la pression foncière induite par l’urbanisation rapide de la commune, poussant les propriétaires à vendre leurs terres. Ainsi des vergers ont été échangés ou vendus à des promoteurs immobiliers : un pâté de maisons comprenant une trentaine d’habitations est construit sur un ancien verger que le propriétaire a échangé contre plusieurs maisons, actuellement occupées par sa famille. Et c’est un exemple parmi d’autres.

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La pression exercée sur le foncier par la forte croissance démographique, et l'encouragement à des modes de production plus intensifs ont engendré une mutation dans les méthodes de production agricole. De plus, les successions entraînent des divisions de terrains, réduisant encore un peu la surface cultivable de chacun. Il y a donc eu une reconversion des agriculteurs qui privilégièrent les cultures ne demandant pas beaucoup de superficie. Cela se traduit par une plus grande production maraîchère et horticole aux dépens des fruitiers, entraînant la perte d’une partie du patrimoine végétal. Le problème de la succession se pose lorsque les enfants d'agriculteurs faisant d’autres études ne reprennent pas systématiquement le flambeau. Plusieurs habitants de Solaize rapportent que pour ne pas perdre la terre il y avait des mariages entre agriculteurs.

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Le « bleu de Solaize » : un emblème végétal local

Cette reconversion est symbolisée par la valorisation d'une plante locale : le poireau bleu de Solaize qui devient une icône de la commune. Tout d'abord, pour justifier son authenticité, on rappelle qu'il aurait été ramené par les Romains. En effet ceux-ci ne s’installaient jamais sans leurs vignes pour pouvoir honorer Bacchus, dieu du vin et de la fête. Les graines de poireau se seraient trouvées dans les pieds des vignes, le Bleu poussant ainsi à l’état sauvage. C'est un prêtre du moyen âge qui, dans son jardin, commença à le cultiver pour son goût très parfumé. Et c'est ainsi que, selon ce récit, le poireau s'implanta à Solaize. Plus tard, le fort goût du légume et sa capacité à parfumer les plats participa à faire grandir sa renommée et certaines familles de Solaize firent fortune de son commerce. Les noms de ces familles sont inscrits sur les vitraux de l’église de la commune. La culture de ce légume est directement reliée au calendrier liturgique, par exemple il faut le planter le jour de la saint Agathe. Une rue est dédiée au poireau de Solaize, la "rue du bleu".

 

La reconnaissance ne s’arrête pas là puisque les solaizards se sont battus pour que le Bleu soit reconnu comme étant un légume spécifique à leur commune, et ont obtenu gain de cause : il a été reconnu comme cultivar. Cette appellation désigne les légumes spécifiques par leur mode de culture – le Bleu étant "repiqué“. Forts de ce patrimoine, une confrérie a été créée pour représenter le bleu de Solaize parmi d'autres confréries. Il y a une fête du Bleu, bref ainsi localisé le poireau est devenu un élément identitaire Solaizard, il a été autochtonisé. Il est même à l'origine de relations de pouvoir toujours prégnantes localement : pour le dire avec les mots de M. Deplat, correspondant au progrès : "Ce sont les mêmes familles qui gouvernent depuis des générations, et cela par le biais de leur descendance." Et ce, même si les élus actuels ne sont en rien des agriculteurs.

Du passé agricole aux stratifications locales

C'est ainsi que lors d'un entretien M. Morrin, élu à l'urbanisme et expert comptable, explique qu’il est fils d'agriculteur, et que les trois filles du maire travaillent à la mairie. Avant, les agriculteurs exploitants avaient des corps de ferme qu'ils destinaient au logement des ouvriers agricoles, or aujourd'hui les ouvriers agricole ne sont plus nécessaire et les gros agriculteurs sont désormais propriétaires d'appartements et de maisons qu'ils louent, ce qui renforce encore un peu plus le pouvoir de ces familles sur la commune. Il y a ainsi une coupure dans la population entre les "natifs", ceux qui sont implantés depuis plusieurs générations, ceux qui sont là depuis moins d'une génération, et une population en turn-over constant, constituée de personnes travaillant dans la vallée de la chimie. En  effet, cette population plutôt aisée de nouveaux arrivants participe à l’enrichissement de la commune mais celle-ci n'applique pas de politique d'intégration sociale, notamment au niveau des habitats sociaux, décrits comme « pas très sociaux ».

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Ceux qui les occupent n’auraient pas vraiment de problèmes économiques et sociaux. Ces habitats ne soutiendraient pas la comparaison avec leurs homologues de St-Fons et Feyzin. D'ailleurs une sociologue vivant à Solaize, a fait remarquer que l'on retrouve dans les types de populations passées des sensibilités politiques différentes. Les communes de St Fons et de Feyzin étant plus ouvrières, on y constate un héritage politique et social marqué à gauche, tandis qu’à Solaize, marquée par son histoire paysanne, les réseaux politiques dominants sont plus conservateurs.

 

On constate dans l'implication de la vie de "village" des approches différentes en fonction de l'ancienneté de l'habitant dans la commune : les familles anciennes s'investissent grandement dans la vie politique; les habitants plus récents (implantés depuis moins d'une génération), comme c'est le cas de Marie-Claude Brunnet (qui est-ce ?), sont plus investis dans le culturel et le social, tel que l'école de danse et l'école public ou des associations; ou alors ne s‘investissent pas, comme Madame Y, habitant depuis 22 ans à Solaize mais ne participant pas du tout à la vie de la commune, ce qu’elle explique par le fait qu'elle « n'y trouve pas son compte », étant plus citadine et préférant profiter de l'opportunité d'être proche d'une ville.

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Ainsi, l’approche du patrimoine végétal actuel de Solaize, qu’il s’agisse du Bleu de Solaize et de l’asperge, mais aussi des vergers, peut contribuer à une compréhension des transformations politiques et sociales de ce village devenu petite ville. Ce patrimoine ancien peut parfois être retrouvé chez des particuliers : c’est le cas d’une variété de figuier, autrefois courant, qu’un habitant du côté de Sérézin du Rhône a planté chez lui il y a une quarantaine d’années. Développer ces premières pistes demanderait un travail bien plus approfondi, ainsi que des connaissances en botanique pour la détection de ces variétés anciennes, cachées ou revitalisées de manière souvent informelle.

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